Côte d’Ivoire/ Traçabilité du tabac : Un défi pour la santé publique et l'économie

Le trafic et le commerce illicite des cigarettes représentent un défi majeur à la fois pour la santé publique et l'économie. La prolifération de cigarettes de contrefaçon présente un risque grave pour les consommateurs en raison des dangers pour la santé qu'elles représentent.

En outre, la contrebande de cigarettes entraîne d'importantes pertes de revenus pour l'État. Mais plus alarmant encore, elle sert également de source de financement pour des groupes djihadistes opérant dans la région sahélienne.

En Côte d'Ivoire, le marché légal des cigarettes est estimé à 420 millions de paquets par an, ce qui équivaut à 8 milliards de cigarettes. Cependant, une grande partie de ce commerce échappe aux radars des autorités, faute d'un système efficace de suivi, de traçabilité et de vérification fiscale des produits du tabac.

Face à cette situation préoccupante, le Comité National de Pilotage des Partenariats Publics Privés (CNP-PPP) a lancé en avril 2023 un appel d'offres international visant à sélectionner un prestataire chargé de concevoir, financer, exploiter et assurer la maintenance d'un système d'identification, de traçabilité et d'authentification des produits du tabac pour une durée de six ans.

 Initialement prévue pour le 9 juin 2023, la date limite de soumission a été reportée à trois reprises, pour finalement intervenir le 27 octobre de la même année. Cette procédure a abouti à la sélection du groupe suisse SICPA, déjà présent sur plusieurs marchés africains tels que le Maroc, le Togo, la Gambie, la RD Congo et le Kenya, reléguant ainsi les Indiens de Madras Security au second plan.

Malgré les objectifs louables des autorités, les termes de l'appel d'offres ont suscité et continuent de susciter des critiques de la part des industriels et fabricants du secteur, regroupés au sein de l'Union des Grandes Entreprises Industrielles de Côte d'Ivoire (UGECI).

Le 9 juin, notre confrère de « Africa Intelligence » avait relayé les inquiétudes de l'UGECI, exprimées dans une lettre datée du 24 mai 2023, demandant en vain au CNP-PPP de modifier certains termes de l'appel d'offres.

En effet, celui-ci semblait favoriser une solution basée sur l'apposition d'un timbre à encre infalsifiable, alors qu'une solution entièrement numérique, plus moderne, permettant l'identification des acheteurs par simple scan, aurait pu être envisagée.

De plus, certaines conditions de l'appel d'offres, telles que l'obligation de créer une filiale en Côte d'Ivoire, n'avaient jamais été observées dans des appels d'offres similaires, ce qui risquait de dissuader la participation de fournisseurs internationaux renommés, comme cela s'est effectivement produit, seules deux entités ayant soumissionné.

Derrière les préoccupations affichées des industriels du tabac se cache en réalité une question financière de taille.

En effet, le coût de la solution basée sur les timbres est trois fois supérieur à celui du codage numérique des paquets. Les tarifs pratiqués par SICPA, pouvant atteindre 25 000 FCFA pour 1000 paquets, sont nettement plus élevés que les prix moyens observés sur les marchés africains (4500 FCFA).

Ces coûts supplémentaires, supportés par les industriels et les importateurs, peuvent être répercutés sur le consommateur final. Les disparités de prix sont frappantes, avec une moyenne de 1485 FCFA pour 1000 paquets dans l'Union Européenne, contre 1199 FCFA en France. Au Burkina Faso voisin, le marquage de 1000 paquets est facturé 2283 FCFA par Inexto, un concurrent de SICPA. Au Cameroun, De La Rue, une entreprise britannique, facture le double, soit 4998 FCFA. Au Maroc, le marquage par SICPA atteint 10 500 FCFA, et en RD Congo, il grimpe à 12 444 FCFA.

Les industriels ont réitéré leurs préoccupations par le biais de Rose Don Mello, directrice exécutive de l'UGECI, dans une interview accordée à Africa Business + (groupe Jeune Afrique) le 23 décembre.

Il est également important de noter que le système d'apposition des timbres peut entraîner une perte de productivité de l'industrie, estimée à 15%, en raison du ralentissement des machines pour l'application des marques et peut également générer des rebuts. Au total, le surcoût par paquet pourrait atteindre jusqu'à 13%.

Dans ce contexte, il est essentiel que le contrat de partenariat entre les autorités ivoiriennes et SICPA soit négocié de manière à garantir des coûts raisonnables pour les fabricants et les importateurs, afin d'éviter une augmentation significative des prix des cigarettes légales qui pourrait favoriser la prolifération du marché illicite.

MC

Auteur:
LDA Journaliste

LDA Newsletter

Ne ratez rien de l'actualité en continue, soyez aux premières loges des dernières news sur LADIPLOMATIQUE D'ABIDJAN