Le gouvernement ivoirien a décidé, le mercredi 10 mai en Conseil des ministres, une bonification de 150 points d’indices pour les grades A et B (emplois de direction, conception et application) et 100 points pour les grades C et D (emplois d’exécution) sur les salaires de certains fonctionnaires. Mais aussi 50 points d’indice complémentaires aux Techniciens supérieurs et Techniciens de la catégorie B autres que ceux relevant des emplois de l’informatique, de la Santé et des Eaux et Forêt bénéficiant des dispositions du décret n°2014-261 du 14 mai 2014.
Cette décision entre en vigueur dès le 1er janvier 2018. Elle devrait logiquement induire une revalorisation salariale des fonctionnaires bénéficiaires qui, il faut le préciser, continuent en même temps de bénéficier de leurs avancements. Mais qui sont-ils les fonctionnaires dont les soldes seront touchés par cette bonification ?
Il s’agit des fonctionnaires ne disposant pas de grille salariale particulière ou communément désigné par le terme fonctionnaires de « l’administration centrale » ou techniquement par « fonctionnaires non enseignant ». Expressement, le décret instituant cette bonification indiciaires les désigne ainsi : "fonctionnaires autres que ceux appartenant aux emplois de l’Enseignement et de la Santé et Techniciens supérieurs et Techniciens de la catégorie B autres que ceux relevant des emplois de l’informatique, de la Santé et des Eaux et Forêt bénéficiant des dispositions du décret n°2014-261 du 14 mai 2014".
Alors qui est de l’administration générale ou centrale ? Explications selon des sources proches du ministère de la Fonction publique.
Administration centrale
En effet, pour savoir qui est de l’administration centrale, il serait bien plus utile d’identifier d’abord ceux qui n’en font pas partie ; et donc ne sont pas concernés par la mesure de bonification indiciaire. Il s’agit tout d’abord des agents des secteurs éducation-formation (enseignants et dérivés) et santé. A ceux-là s’ajoutent, pour diverses raisons (sur lesquels nous reviendrons plus bas), les techniciens et ingénieurs (excepté les informaticiens), bien que ne bénéficiant pas de grille salariale particulière, ne sont pas concernés par cette mesure.
Ainsi donc, les fonctionnaires concernés par cette mesures sont les personnels civils de l’administration qui ne sont ni secteurs éducation-formation (enseignants et dérivés) et santé, ainsi que les techniciens et ingénieurs exceptés les informaticiens. A titre d’exemples, on peut citer les animateurs culturels, archivistes, assistants conservateurs de bibliothèque, inspecteurs du travail, chargé de rédaction, adjoints administratifs, certains agents des eaux et forêts (les techniciens supérieurs), assistants sociaux, secrétaires, chauffeurs.
En un mot, il s’agit principalement des fonctionnaires dont le bulletin de salaire porte la mention « Fonctionnaire non enseignant ». Et ils sont estimés à environ 40.000 agents sur un effectif global de près de 155.000 fonctionnaires en Côte d’Ivoire. Et cette augmentation de salaire va coûter un peu plus de 21milliards de francs CFA à l’Etat (17 milliards selon des syndicats).
Mais La Diplomatique d’Abidjan (LDA, www.ladiplomatiquedabidjan.net) n’a pas eu de confirmation concernant le cas des agents des régies financières et des ministères en charge du Budget, de l’Economie et des Finances. Ces fonctionnaires bénéficiant déjà de primes trimestrielles jugés « colossales » (allant de 800.000 à 5000.000, des grades les plus bas aux hauts responsables), bien qu’ayant les mêmes salaires de base que les autres agents de l’administration centrale, l’on n’a pu avoir de précision sur leur prise en compte ou non dans cette nouvelle mesure de bonification indiciaire. « Ce qui est sûr, un document sera publié bientôt pour définir les corps qui bénéficieront de la mesure des 150 et 100 points », confie à LDA, un cadre du ministère de la Fonction publique.
Pourquoi pas les autres ?
Les autres fonctionnaires ne sont pas concernés par cette mesure pour plusieurs raisons. D’abord les enseignants, considérés de loin comme les fonctionnaires civils les mieux payés en termes de salaire de base, connaissent un décrochage de leur salaire par rapport aux autres fonctionnaires depuis les années 1975. Mais aussi, plusieurs mesures ayant induit une augmentation importante de leurs salaires ont été prises ces dernières années en leur faveur. On peut citer, entre autres, le glissement catégoriel global de 2007-2008 qui a permis à tous les enseignants de passer directement, sans concours professionnel, de passer au grade supérieur.
Quant aux personnels de santé, avec un effectif d’environ 16.000 personnes, ces derniers ont déjà obtenu en 2013 d’une bonification indiciaire de 400 points (soit 118.000 FCFA) pour les cadres supérieurs, et 150 points d'indice (soit 35 000 FCFA) pour techniciens.
Pour ce qui concerne les techniciens et ingénieurs, au nombre de d’environ 3400, ils ont bénéficié eux aussi d’augmentation de 150 points (soit 35.000 FCFA) pour les ingénieurs, et 100 points (soit 23.3000 FCFA) pour les techniciens.
Combien va s’ajouter sur le salaire ?
D’après le site internet du ministère de la Fonction publique de Côte d’Ivoire, un point d’indice correspond à la somme de 233 FCFA. Sur cette base, les fonctionnaires bénéficiant de 150 points d’indice (Catégories A et B) devraient bénéficier d’une augmentation de près de 35.000 FCFA (exactement 34.950 FCFA) à partir du 1er janvier 2018. Ceux des catégories C et D, avec la bonification indiciaire de 100 points, devraient quant à eux voir leur solde rehausser de 23.300 FCFA.
Début de résolution d’une injustice salariale
En effet, les fonctionnaires de l’administration centrale sont considérés comme les plus mal payés de la fonction publique ivoirienne. Ces derniers, essentiellement regroupés au sein de la Confédération des syndicats de la fonction publique de Côte d’Ivoire (COSYFOCI), dénoncent ce qu’ils jugent comme une « discrimination salariale flagrante » depuis plus de trente ans. Ils touchent généralement à peine la moitié, souvent même le tiers du salaire des agents du même grade dans d'autres secteurs comme celui de l’éducation. C’est pourquoi, ils sont désignés par le vocable générique "fonctionnaires n'ayant pas de grille salariale particulière".
A titre d'exemple, là où un enseignant de collège de grade A3 (Bac + 4) touche un salaire net en début de carrière de quelque 380.000 francs, un inspecteur archiviste du même grade dans l'administration générale se retrouve avec un salaire net de 180.000 F. Idem pour un administrateur civil (sans nomination) ou administrateur des lois sociales de grade A4 (BAC+4 + 2 ans à l’ENA) aura à ses débuts un net à toucher d’environ 200.000 FCFA quand un professeur de lycée du même grade frôle les 450.000 FCFA.
Cette mesure d’augmentation de l’indice salarial de ces fonctionnaires sonne ainsi comme le début de la résolution d’une injustice salariale qui dure dans la fonction publique depuis des décennies. Certes, malgré cette bonification les fossés restent grands entre les salaires selon les corps. Mais elle marque un début d’espoir quant au souhait des fonctionnaires de voir tous les serviteurs de l’Etat d’être traités sur un pied d’égalité au plan salarial. "A diplôme égal, salaire égal", clament-ils.
Armand Tanoh
Auteur: Armand Tanoh